Vœu – Conseil municipal du 17 novembre 2014
Deux poids deux mesures *
D’un côté il y a les Roms, les migrantEs de Calais, les jeunes baba cool écolos… Ils sont ceux qui cherchent à intégrer le monde occidental ou qui veulent le changer. Dans tous les cas, ils ne sont pas dans le système. La plupart du temps, ils n’ont pas accès au marché du travail ni à l’essentiel des aides publiques, ils aspirent simplement au bien-être, à une qualité de vie qui leur permet de s’émanciper et, pour certains comme Rémi Fraisse, à profiter des simples joies de la nature. Ceux-là n’ont pas le droit d’exercer leurs droits en toute sécurité. Ce sont les faibles.
De l’autre, il y a les rentiers. Ceux qui bénéficient des rentes illimitées de la finance mais qui ne payent pas d’impôts en France. Ceux qui profitent de la spéculation immobilière sur le dos des mal-logés. Ceux qui bénéficient d’importantes subventions européennes pour l’agriculture ou de rabais fiscaux parce qu’ils sont avionneurs ou transporteurs. Ils sont les tenants d’un ordre qui les sert. Ils sont bien organisés, regroupés en corporations ou lobbies qui protègent leurs intérêts particuliers. Ceux-là ont le droit de ne pas respecter le droit en toute impunité. Ce sont les forts.
Aux premiers, on ne cesse d’opposer l’ordre républicain, la responsabilité, la sécurité et l’idée de l’Etat de droit. On ne discute pas avec celles et ceux qui contestent l’ordre établi. Tout dialogue est impossible.
Aux seconds, on propose écoute, dialogue et rallonges d’argent public. Leurs coups de force sont impressionnants. Quand ils manifestent, ils brûlent des équipements publics, bloquent des autoroutes, vandalisent les permanences de partis, massacrent des animaux et menacent des ministres ou des maires.
À Rouen pendant deux jours, un campement pacifique s’était installé devant le palais de justice dans le but d’échanger avec les passants et de rendre hommage à Rémi Fraisse. Vendredi 7 novembre, au matin, à la demande de la Ville de Rouen, ce campement a été évacué. Notre groupe, après avoir passé la soirée sur place, s’était opposé à l’intervention programmée des forces de l’ordre, par un communiqué de presse rédigé dans la nuit. Même si nous avions conscience que cette occupation ne pouvait pas être durable, nous considérions que le contexte national et la mort récente de Rémi Fraisse nous obligeait tous à prôner le dialogue dans la société et à défendre l’apaisement.
Force est de constater que cette évacuation était disproportionnée face à des personnes qui n’ont pas opposé de résistance, qui ne représentaient pas un danger et qui comptaient partir le dimanche suivant.
Des jeunes idéalistes sont chassés alors que les puissances publiques reculent devant ceux qui utilisent la violence comme moyen de se faire entendre, comme la FNSEA ou les forains.
Il y a bien deux poids, deux mesures. L’autorité de la puissance publique s’est tellement affaiblie ces dernières décennies qu’elle en est réduite à la mettre en scène pour démontrer qu’il lui en reste encore un peu. Elle est démesurée dans certains cas, absente dans d’autres. Or, quand elle n’est pas basée sur la justice, l’autorité n’est plus respectée mais subie. Elle n’est plus la garante du bien-vivre ensemble mais l’expression d’une force brute et arbitraire qui vient d’en haut. Elle n’est plus qu’autoritarisme, soit l’arme des faibles contre les faibles, l’indigence du pouvoir contre les forts.
Ainsi notre groupe souhaite qu’à l’avenir chacun retrouve le chemin de la raison afin de bien déterminer ceux qui représentent réellement un danger pour notre société, notre démocratie et plus localement, pour notre Ville.
* Voeu librement inspiré d’un éditorial d’Emmanuelle Cosse